Etat de droit
L'étude de novembre 2008 / mars 2009
Les « arguments » les plus utilisés pour défendre l'idéologie anti-sanction à l'école
Comme toujours, les Grandes Vérités assénées en un seul bloc réservent leur lot de surprises. La clémence peut
parfois se justifier. Le Pardon est une grande valeur humaniste et religieuse. Certes. Mais cela ne suffit pas pour faire
un monde en paix. Nous avons de nombreux organes dans le corps. Beaucoup sont vitaux. Pour les sociétés, c'est pareil :
leur bon fonctionnement nécessite la présence de différents éléments. La punition et la sanction en font partie.
Il faut de tout pour faire un monde, dit l'adage. Le monde est complexe ! On l'oublie souvent.
Une société sans sanction, c'est comme un corps humain qui ne ressentirait jamais aucune douleur, ni le froid ni le chaud,
ni les fractures, ni aucune de ces alertes qui nous préviennent que nous arrivons à un point de rupture ou qu'une invasion
microbienne vient d'être décelée. Alors bien sûr, la douleur ça fait mal... Mais ça permet aussi de rester en vie.
L'intérêt de la douleur, c'est évidemment qu'elle prévienne ; l'inconvénient, c'est qu'elle soit trop forte, et
dans ce dernier cas il faut bien sûr tenter de lutter contre. Pour la sanction, c'est pareil : si elle est trop
forte, c'est tout à fait préjudiciable et contreproductif ; mais si elle est inexistante ou particulièrement
insuffisante, c'est également préjudiciable. Etat de droit ne cesse de dire qu'il faut prendre
en compte l'indispensable critère de l'intensité
(plus tous les principes déjà cités : proportionnalité, contrôle, etc.) si l'on veut essayer de raisonner un
tant soit peu utilement.
Les exemples d'enfants ou élèves qui n'ont jamais été punis ou sanctionnés et qui en deviennent incontrôlables,
hélas, ne manquent pas. Alors, plutôt que de revenir sur des
exemples déjà cités sur ce site ou depuis
longtemps connus par chacun d'entre nous dans notre vie personnelle ou professionnelle, prenons un peu l'Histoire
à témoin. Cela dépasse le cadre de l'école mais cela peut donner une petite idée des conséquences incalculables
engendrées par une insuffisance de sanction (ou au contraire par un excès de sanction, phénomène tout autant
combattu par Etat de droit) :
Notre Histoire européenne a en effet cruellement montré que l'absence ou insuffisance flagrante
de sanction peut s'avérer extrêmement préjudiciable aux Hommes. Exemple très marquant de ce funeste XXe siècle que nous venons à peine de quitter et qui nous poursuit toujours de son ombre : en 1923,
Adolf Hitler commet un acte extrêmement grave, déjà à l'époque, à savoir une tentative de coup d'Etat contre la
République de Weimar. Cette tentative fait plusieurs morts. D'ailleurs, même s'il n'y
en avait pas eu, le seul fait de vouloir renverser une démocratie est en soi très grave. Quelle fut la peine
effectuée par Hitler ? Un an de prison. Des clopinettes. On lui permit même d'écrire
Mein Kampf en toute liberté. Il pouvait recevoir sans difficulté. C'est ce qu'on appellerait de nos
jours une prison dorée. Un an seulement... Malgré les morts. Malgré la tentative de renversement d'une République.
Malgré ce qu'il dicta à Rudolf Hess. Même si le traité de Versailles de 1919 (sanction pour le coup bien trop lourde
et humiliante) puis la crise de 1929 y sont aussi pour beaucoup, cette clémence inouïe a permis à
l'apprenti-dictateur de prendre le pouvoir une décennie plus tard. Alors qu'une vraie peine, adaptée à la
gravité de ses actes — mettons quelques dizaines d'années de prison — aurait pu permettre au
monde de s'en affranchir.
A l'aune de la sanction, on pourrait dire que la Deuxième Guerre Mondiale est le résultat d'une très excessive sanction
du fait des Français (1919) suivie d'une très excessive indulgence du fait des Allemands (1924) suivie d'une gigantesque
déréglementation planétaire (1929) suivie d'une nouvelle excessive indulgence des Européens à l'égard de l'Allemagne lors
de son réarmement (dès le milieu des années 1930) puis de ses premières agressions extérieures... Ainsi, la
non-maîtrise des principes (conjointement appliqués) de sanction, de proportion et de contrôle génère les pires malheurs au
détriment de tous.
Une fois pour toute, cessons donc d'incriminer à tout bout de champ le principe de sanction ! Cessons de voir dans la
seule indulgence la quintessence de la bonté ! Relisons Saint Augustin ! Arrêtons toute cette démagogie ! La position
du site Etat de droit est très claire sur cette question de l'oubli ou du pardon ou de la «
deuxième chance » à la suite d'un méfait : OUI au pardon, mais APRÈS une punition ou sanction
proportionnée ; pas avant. L'indulgence sans la fermeté, c'est une indulgence qui produit le pire.
2006-2009 © Etat de droit / Jean-Yves Willmann