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réforme de la justice pénale et civile en Franceréformes dans la société française et autorité de l'Etat

réforme de l'école primaire et de l'éducation nationale

L'étude du 12 avril 2008

Parents d'élèves : le pouvoir d'accorder le pouvoir

Sur la dépendance du professeur à l'égard des parents d'élèves, surtout à l'école primaire

Dans l'incapacité réglementaire et législative où se trouve le corps enseignant pour asseoir son autorité vis-à-vis des élèves [cf. série des pires BO], lorsqu'un professeur voudrait sévir un peu dans une école primaire « sensible », tout en se préservant, il ne lui reste qu'une solution : demander l'autorisation aux parents d'élèves.
  Concrètement, il va sonder chaque parent dont l'enfant pose un gros problème (de violence ou de perturbation) pour tenter d'obtenir une réponse explicite ou implicite à cette question : m'autoriseriez-vous à punir votre enfant à l'occasion, et si oui, de quelle manière et jusqu'à quel point ?

Sachant qu'en ce domaine pratiquement plus rien n'est officiellement autorisé à l'école primaire, s'il veut punir avec un peu d'efficacité, le professeur ou directeur d'école est en effet obligé d'outrepasser les textes, d'enfreindre des consignes officielles alors qu'il est censé apprendre aux élèves à respecter les consignes... D'où la nécessité de s'assurer qu'au moins les parents n'iront pas se plaindre, condition sine qua non pour que la hiérarchie ferme les yeux. De cela, la plupart des professeurs en zone sensible ont bien conscience. Mais prend-t-on toujours la mesure des conséquences qui en résultent ?

Prenons le temps, aujourd'hui, d'en dégager quelques-unes :

1. Le professeur d'une école difficile apprend, avec les années, que le pouvoir qu'il peut finir par acquérir dépend en grande partie de l'approbation des familles.
2. Les familles de ces quartiers difficiles se rendent bien compte qu'elles ont, dans les faits, le pouvoir d'accorder plus ou moins de pouvoir à tel ou tel professeur.
3. Les élèves ont tôt fait de comprendre que leurs parents (voire leurs grands frères) exercent un réel pouvoir sur le pouvoir du professeur et donc sur le professeur lui-même, ce qui, du coup, leur donne à eux aussi, les élèves, un pouvoir de pression supplémentaire sur le professeur (via leur famille).

Première petite synthèse :
Dans les écoles difficiles, le pouvoir du professeur est en grande partie le pouvoir que les parents d'élèves auront bien voulu lui accorder par délégation personnelle et contre lequel leurs enfants — élèves du professeur — n'auront pas cherché ou réussi à se dresser.

4. Conscient de cet état de fait, le professeur exerçant en milieu difficile peut être tenté d'adopter des stratégies clientélistes pour se faire bien voir de certaines familles, voire de certains élèves ; ou s'il « fait de la résistance », il peut au contraire finir par endurer durablement leur hostilité.
5. On s'aperçoit alors que la famille X ou Y accorde du pouvoir à tel professeur mais pas à tel autre, qu'un même professeur reçoit du pouvoir de telle famille mais pas de telle autre, qu'il permettra à cet élève-ci ou cette élève-là ce qu'il ne permet pas à d'autres.
6. En dehors de ces quelques privilèges, un professeur peut donc punir certains élèves (car il sait que leurs parents ne le lui reprocheront pas) mais pas celui-ci ou celle-là (car il sait que leurs parents donnent toujours raison à leur enfant et pourraient avoir « la plainte facile », qu'elle soit entendue à l'inspection ou déposée au tribunal).

Deuxième petite synthèse :
Dans les classes et écoles difficiles, l'absence d'autorité institutionnelle — de droit de punir, de pouvoir de sanction officiellement conférés aux professionnels de l'école — contribue à créer de fortes inégalités de traitement entre les élèves de la part des adultes (ou entre les professeurs de la part des usagers de l'école).

7. Sur le terrain, la perte de règles communes et les injustices ainsi créées conduisent à d'inévitables ressentiments chez les élèves, voire chez les adultes, au point que la violence s'installe durablement à l'école.
8. Si le professeur veut éviter trop de différences de traitement entre ses élèves, ne pouvant punir ceux dont les parents refusent qu'ils le soient, il en arrivera à ne pas punir ceux qu'il aurait pu punir : ce nivellement éducatif par le bas entraîne alors encore moins de restrictions à l'adresse d'enfants qui n'en avaient pourtant déjà guère.
9. Et plus le pouvoir des adultes chute, plus les enfants s'en emparent avec excès, du moins quelques-uns d'entre eux au détriment de tous les autres.

Troisième petite synthèse :
Lorsqu'un professeur ne s'est pas vu accorder un pouvoir suffisant par les parents de ses élèves et que ces derniers ont l'habitude de désobéir aux adultes, ce sont les enfants les plus costauds ou les plus indisciplinés qui prennent le pouvoir en classe, la violence qui a libre cours à l'école et l'échec scolaire de masse qui s'installe durablement.

Ainsi, du fait que les professeurs ne peuvent aller à la fois à l'encontre des textes et des familles, ce sont ces dernières puis les élèves eux-mêmes qui remplacent les textes... Le droit républicain est remplacé par le pouvoir personnel de quelques-uns : les plus forts, minoritaires, font la « loi » à l'école, tandis que la majorité silencieuse, témoin de l'impuissance des adultes, voit ses années d'insouciance rétrécir comme une peau de chagrin.

Ce système absurde, Etat de droit le dénonce depuis longtemps. Nous avons oublié que la nature a horreur du vide : en privant les professeurs du pouvoir de sanction, notamment à l'école primaire, nous avons abandonné ce pouvoir aux familles, qui ont tendance à ne plus trop s'en servir, et donc surtout aux enfants, qui eux ne s'en privent pas les uns contre les autres, de façon bien plus brutale, indistincte et excessive que ne le feraient des adultes responsables, professionnels et encadrés.
  Tous ceux — les très nombreux partisans de l'idéologie anti-sanction en France — qui ont ainsi voulu protéger l'enfant contre ses tuteurs, de façon disproportionnée et sans discernement, ont surtout réussi à le priver de son enfance. Etat de droit réitère donc ses propositions de réforme de l'Éducation nationale visant à restituer aux professeurs un pouvoir modéré qui s'avère chaque jour un peu plus indispensable.

réagir

Propositions majeures Remanier la Convention des droits de l'enfant
Accroître le pouvoir du professeur vis-à-vis des élèves (avec limites)
Réhabiliter les punitions et les sanctions à l'école avec bienveillance

études phares

Les pires BO de l'Education Nationale (3) : le Top 10

Réforme de l'école : les fausses bonnes idées

L'autorité du professeur : histoire d'un rapt

Sanctions à l'école : pourquoi ça bloque

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J-Y Willmann © Etat de droit depuis 2006