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Etat de droit

réforme de la justice pénale et civile en Franceréformes dans la société française et autorité de l'Etat

réforme de l'école primaire et de l'éducation nationale

Le constat du 3 mai 2008

Autorité : le lavage des cerveaux a bien fonctionné

Sur la perte de sens du mot AUTORITÉ, suite logique d'un savant travail de sape

Comme souvent lorsqu'un nouveau sondage est publié, on en simplifie les résultats au point de lui faire dire à peu près ce que l'on veut. Récemment, à propos du dernier numéro du magazine Phosphore (de mai 2008), quel message principal a-t-on entendu en boucle sur les grands médias nationaux ? Que « 8 lycéens sur 10 veulent plus d'autorité ». Plus précisément, d'après ce sondage 82,6 % des lycéens estiment que les professeurs devraient exercer l'autorité en faveur d'un plus grand respect des autres (on comprend surtout : d'un plus grand respect entre élèves), ce que ces mêmes professeurs ne feraient pas assez, d'après les mêmes lycéens.
  MAIS... Ce que personne ou presque n'a mentionné, à l'issue de ce sondage, c'est que les lycéens estiment aussi que les professeurs devraient peu sanctionner les élèves, encore moins qu'aujourd'hui, et qu'ils devraient privilégier le tête-à-tête avec tout élève qui pose problème (qui serait par exemple irrespectueux, ou qui aurait malmené un autre élève, ou qui perturberait régulièrement la classe...). En somme, les lycéens voudraient « plus d'autorité » de la part du professeur, mais MOINS de sanctions, moins de distance et davantage de négociations individuelles !

Etat de droit a déjà indiqué à quel point la notion d'autorité a été galvaudée et plus que cela : dénaturée. En voilà un nouvel exemple. L'autorité que l'élève d'aujourd'hui consentirait à recevoir de la part du professeur, c'est une « autorité » dépourvue d'exigence, de sanction, de contrainte, dépourvue de tout pouvoir officiel de décision, de tout moyen de coercition. Et l'élève, dans cette école idéale, dans cet utopique meilleur des mondes, n'a aucune obligation d'obéissance ni de résultat ni de respect des autres, ce fameux Respect pourtant si fortement réclamé.
  Inutile de trop s'appesantir sur l'intensité de la contradiction... Tâchons plutôt de retrouver un repère objectif : les DICTIONNAIRES, si l'on voulait bien les ouvrir une fois l'an, sont relativement unanimes sur la signification du mot autorité. Etat de droit avait déjà donné la palette des définitions de l'AUTORITÉ selon le Nouveau Petit Robert. Voici maintenant les deux premières définitions du Petit Larousse 2003 :
  AUTORITÉ :
  1. Droit, pouvoir de commander, de prendre des décisions, de se faire obéir. (...)
  2. Qualité, ascendant par lesquels quelqu'un se fait obéir. (...)

Le Nouveau Petit Robert tout comme le Petit Larousse vont donc tout à fait dans le même sens et privilégient tous deux — dans les quelques variantes de la définition de l'autorité — l'idée du pouvoir de se faire obéir.

Quant aux nombreux commentateurs, ils semblent ne jamais relever le fait que le mot autorité, désormais, n'est plus employé dans le respect de la définition donnée par les dictionnaires de la langue française. L'apprentissage du maniement d'un dictionnaire est pourtant l'une des rares constantes des programmes de l'Education nationale qui se succèdent les uns après les autres. Mais il faut croire qu'on n'apprend plus qu'à le remettre sur l'étagère. Ce qui est grave. Pourquoi ? Parce que dans notre France actuelle, où l'on ressent une montée des incompréhensions, il serait fort utile que chacun comprenne la même chose lorsqu'un même mot est prononcé au sein d'une même phrase.
  Dans ce contexte, l'entreprise de destruction de certains mots, entamée il y a plusieurs décennies, a atteint tous ses objectifs : le lavage des cerveaux a bien fonctionné. Nos lycéens disent vouloir des professeurs plus autoritaires (au sens imposé par quelques apprentis sorciers de la bien mal nommée « Education nationale » ou de ses annexes) à condition qu'ils n'aient aucun des attributs de l'autorité (!), de cette véritable autorité telle que les dictionnaires sérieux la définisse sur la base d'un long travail de recherche littéraire, historique et étymologique.
  Dans l'esprit des lycéens et finalement de beaucoup de Français — qui ont la critique facile mais l'esprit critique parfois difficile (qui ont ici avalé, sans broncher, ce qu'on leur a dit sur « l'autorité » idéale) — le Bon Professeur qui aurait la Bonne Autorité serait donc celui qui n'imposerait jamais rien à l'élève, même lorsque l'élève dépasserait toutes les bornes. Le Bon Professeur se devrait de toujours écouter toutes ses explications, compréhensive affection à l'appui, comme s'il n'y avait qu'un seul élève par classe et que les règles pouvaient être en permanence violées.
  Le but que s'étaient assignés nos quelques trafiquants de mots était d'annihiler toute relation verticale entre le professeur et l'élève, c'est-à-dire de mettre à bas le principe de hiérarchie à l'école. Le moins que l'on puisse dire, on le constate encore à l'occasion du sondage précité, c'est qu'ils ont hélas réussi.
  Le problème de cette pseudo-autorité, diamétralement opposée à la vraie autorité décrite dans les dictionnaires, c'est qu'elle nous mène là où nous en sommes et là où nous allons continuer d'aller : à une situation d'augmentation globale et constante de la violence scolaire.

Prenons le cas du dernier fait divers en date : celui du collégien de Meyzieu poignardant trois de ses camarades la semaine dernière et qui projetait d'en tuer plus encore. Ce type d'évènement est malheureusement devenu banal et les réactions qu'il suscite encore plus : traditionnelle « incompréhension », traditionnelle Cellule Psychologique... La première chose retenue a été de faire remarquer que l'adolescent agresseur a un look gothique et qu'il se serait inspiré des tueries made in USA.
  Mais l'on ne s'est guère arrêté sur le contexte dans lequel évoluait ce collégien, apparemment en position de souffre-douleur, en proie à certaines tracasseries et moqueries, pour ne pas dire sévices : l'un de ses ennemis lui aurait fait subir le supplice de la « boulette » où un élève est entouré par ses camarades qui le frappent à tour de rôle, dixit le site internet du Figaro (30 avril 2008). Si cela est avéré, ce n'est pas rien ! C'est tout sauf anodin ! Et qu'ont fait les adultes ? Inutile de trop chercher la réponse : ils sont de plus en plus impuissants car nos Bulletins Officiels ne leur laissent pratiquement plus aucun droit, plus aucune autorité institutionnelle à l'école.
  Les professionnels de l'école n'ont donc PAS le pouvoir de contraindre certains élèves à stopper immédiatement les sévices qu'ils peuvent faire subir à un autre élève, plus faible qu'eux ou différent. Dès lors, les meurtrissures morales du souffre-douleur de service, si l'on peut dire, ne peuvent plus être prises en compte par son entourage car il ne peut plus trouver refuge chez aucun adulte. Du coup, quelles solutions lui reste-t-il ? S'il ne peut pas quitter son établissement et si sa position est devenue vraiment intenable, il ne lui reste au final que deux types de choix : soit il se fait très mal (tentative de suicide), soit il fait très mal à ceux qui le rudoient (tentative de meurtre ou d'assassinat). Et souvent, on le constate, le souffre-douleur qui veut en finir va plus ou moins combiner les deux. Lorsqu'on évoque certaines tueries aux USA, on ferait bien de s'en rendre compte, là-bas comme ici.

Or, ce type de situation va donc hélas se reproduire encore et encore puisqu'elle est une conséquence directe de la perte d'autorité institutionnelle que dénonce Etat de droit depuis longtemps. Le processus est relativement simple à comprendre (pour qui n'a pas été préalablement imbibé par l'idéologie anti-sanction) : moins le professeur a de pouvoir, plus l'élève en a, c'est-à-dire que certains élèves peuvent alors exercer un pouvoir sur d'autres élèves, qui eux, n'ont même plus celui de demander aide et protection à l'adulte. C'est là que justice et éducation se rejoignent. Etat de droit l'a souvent indiqué : lorsque la justice publique au sens large — la force des institutions pour faire respecter des règles communes — n'existe plus, c'est la justice privée qui prend le relais. Ainsi, la perte d'autorité institutionnelle à l'école engendre inévitablement la violence scolaire. Encore combien de jeunes victimes faudra-t-il déplorer avant de s'en rendre compte ?

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